Inconstitutionnalité du régime de l’audition libre des mineurs - Février 2019

Par une décision n°2018-762 QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 61-1 du code de procédure pénale relatif au régime de l’audition libre des mineurs contraire à la Constitution.

 

Rappel du cadre édicté par l’article 61-1 du code de procédure pénale

 

L’article 61-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut, au cours de l’enquête pénale, être entendue librement sur ces faits.

L’audition libre suppose le consentement de la personne, ce qui signifie que l’intéressé ne peut pas avoir été conduit sous contrainte devant l’officier de police judiciaire.

Ce consentement distingue l’audition libre de la mesure de garde à vue. Si la personne entendue a été conduit sous contrainte devant l’officier de police judiciaire, le régime de l’audition libre ne trouve pas à s’appliquer. 

Au titre des droits de la personne entendue dans le cadre de l’audition libre on peut également relever le fait que cette dernière doit être informée :

  • de la qualification des faits susceptibles de lui être reprochés,

  • de la date et du lieu présumés de l’infraction,

  • du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue,

  • du droit d’être assistée par un interprète, du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire,

  • de la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit,

  • si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assistée au cours de son audition par un avocat.

 

Les griefs adressés à l’article 61-1 du code de procédure pénale

En l’espèce, le requérant considérait que l’article 61-1 du code de procédure pénale était contraire au principe d’égalité devant la procédure pénale et au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Le requérant faisait grief au législateur de :

  • ne pas avoir prévu, lorsqu’un mineur soupçonné d’avoir commis une infraction est entendu librement au cours d’une enquête pénale, des garanties équivalentes à celles prévues lorsqu’il est entendu dans le cadre d’une garde à vue,

  • ne pas avoir prévu le droit, pour un mineur entendu librement, de bénéficier de l’assistance obligatoire d’un avocat et d’un examen médical,

  • ne pas avoir prévu l’information des représentants légaux de la mesure d’audition libre.

En d’autres termes, le requérant reproche au législateur d’avoir prévu des droits de la défense identiques, en matière d’audition libre, pour les majeures et les mineurs, alors qu’en matière de garde à vue, les droits sont renforcés dès lors qu’un mineur est concerné.

 

La décision du 8 février 2019

 Le Conseil constitutionnel considère que les garanties prévues par le législateur à l’article 61-1 du code de procédure pénale ne suffisent pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l’audition libre, ni à éviter qu’il opère des choix contraires à ses intérêts.

Le Conseil constitutionnel constate que l’audition libre d’un mineur se déroule selon les mêmes modalités – toutes prévues par l’article 61-1 du code de procédure pénale – que la personne entendue soit majeure ou mineure.

Ce faisant, l’article est déclaré contraire à la Constitution.

Constatant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer les garanties légales encadrant l’audition libre des personnes soupçonnées, majeures ou mineures, entraînant ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel reporte au 1erjanvier 2020 la date de leur abrogation.


L’intégralité de la décision du Conseil constitutionnel est consultable à l’adresse suivante :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2018762QPC.htm

 

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PénalBenjamin Boukris